Art céleste : la miniature à la gloire du tout grand
Les 17 moniales de Maredret cultivent l’art de la discrétion et perpétuent le savoir-faire médiéval dans toute sa splendeur. L’art de l’enluminure, hérité du moyen-âge, est y perpétué dans un esprit contemporain.
Patience d'Ange
À l’ombre de la célèbre abbaye de Maredsous se cache un bijou néogothique : l’abbaye bénédictine de Maredret construite à la fin du 19e siècle. Le calme tranche avec l’agitation de sa voisine. La tranquillité invite à la méditation et à la concentration. Pas étonnant que l’un des plus réputés sur la scène internationale et derniers ateliers d’enluminure s’y tienne. Cet art médiéval consiste à ornementer les textes sacrés de peintures et de dorures. Ce travail manuel sur papier ou parchemin allie connaissance liturgique et compétences artistiques. Il faut une patience d’ange. Et énormément de minutie. Chaque détail compte. Le port de la tête, les expressions données au visage, tout raconte une histoire.
Illustratrices du divin : la Bible comme une BD
« Je suis rentrée au couvent en 1948, à 21 ans. Je suis toujours restée à Maredret. J’ai toujours aimé mon monastère et mon art. J’ai eu consacré toute ma vie : les couleurs, les textes en écriture gothique, les visages », se souvient sœur Bénédicte Witz, qui vient de prendre sa retraite. Elle cède sa place de mère Abbesse, mais continuera à illuminer les ouvrages et la vie des croyants, avec 3 autres sœurs. « Cela apporte la précision, la paix intérieure, la joie. » L’enluminure se transmet de sœur en sœur. Elles chantent sur papier les louanges du Seigneur par leurs habiles coups de pinceau. Livres liturgiques, livre de chœurs, faire-part de mariage… Elles s’approprient le style néogothique pour leurs créations originales, uniques, en capturant l’esprit du moyen-âge.
Sœur Bénédicte ouvre les portes de son atelier d’enluminure un mardi par mois. De nombreux stages de calligraphie, d’enluminure et de chant se donnent aussi dans l’enceinte de l’abbaye de Maredret, en plus des retraites. Les chants grégoriens font la réputation de l’abbaye au niveau européen.
Icônes parfois iconoclastes
Les dessins en disent parfois long sur l’esprit de l’époque. Il y a cent ans, les sœurs de Maredret ont utilisé leur art pour dénoncer les crimes de l’occupant allemand. Un acte de rébellion rocambolesque. Une copie de la lettre pastorale “Patriotisme et Endurance” du Cardinal Mercier appelant les Belges à la résistance en Noël 1914 a été rehaussé d’enluminures diabolisant l’ennemi représenté par un dragon terrassé par Saint-Michel ou un diable qui perd son casque à pointe. Les sœurs vont utiliser des épisodes bibliques de leur lecture quotidienne comme illustration. Ainsi, elles préfigurent la libération du pays, en représentant Jonas, tenant un drapeau belge, recraché par une baleine. L’abbaye propose de se replonger, à travers une expo, dans des copies de cet acte de bravoure, dessiné en cachette, au péril de leurs vies, vu l’impertinence des propos. Seule une sœur savait où se trouvait le manuscrit enfoui au moment de l’occupation allemande.
Les bénéfices de la boutique pour rénover les bâtiments
La boutique ne désemplit pas. On y trouve les confitures maison de l’abbaye et le jus de pomme du verger, des broderies, des cartes et des signets. Et des Bibles… du jardinage. C’est que l’on y cultive aussi l’art du potager et des plantes aux vertus médicinales. Toujours dans le partage, la communauté organise des cours mensuels de jardinage, des ateliers sur les huiles essentielles ou des weekends consacrés à l’immunité.
Depuis 2021, la communauté produit également deux bières inspirées du savoir-faire bénédictin en matière d’herboristerie. La Triplus et l’Altus trouvent leur inspiration dans le traité “Physica” de Sainte Hildegarde de Bingen. Ce traité décrit près de 300 plantes ainsi que leurs vertus. Il contient l’une des plus anciennes mentions du pouvoir conservateur du Houblon. C’est au cœur du jardin des plantes de l’abbaye que le maître-brasseur d’Anthony Martin a sélectionné les plantes aromatiques, avec les moniales, pour composer ces deux bières douces et épicées.
Article écrit par Valérie VERNIMMEN
